l'envers du décor
…"Marcher au hasard, et
appréhender enfin un peu de la vraie vie, surprendre la Venise laborieuse, loin
des ors des palais, de la pompe obséquieuse des palaces. écouter le bruit du
travail : le chariot du livreur qui cherche une adresse, tentant
désespérément de se frayer un passage dans le flot des passants indifférents,
bruit si différent de celui des roulettes de la valise du touriste exténué,
pressé d’arriver à son hôtel .
Venise, milieu hostile, pour l’ouvrier qui ne compte plus son
temps, qui dépose le pavé usé et pose le nouveau avec une rigoureuse
régularité. Il a toute l’éternité devant lui, la patience et l’amour du travail
bien fait comme unique métronome.
Suivre les canaux, les
gondoles aux velours défraîchis qui charrient leur fardeau de touristes aux
sourires désabusés.
Laisser son regard
s’insinuer le long des barques débordantes de dizaines de packs d’eau, de
bidons d’huile, de la gondole chargée de fleurs qui attend les mariés au ponton
de la chapelle,
s’attarder sur la silhouette
affalée du marin qui s’endort aux côtés
du pilote d’une étrange embarcation-citerne.
S’interroger
vainement : quelles livraisons pour quels destinataires ?
Alors, rechercher l’étroitesse d’une ruelle paisible, s’amuser à
regarder les reflets de l’eau danser sur les façades, illuminant un instant les
murs lépreux, les moulures épaufrées.
Laisser monter lentement les effluves épaisses et
saumâtres…Senteur de bouquet dont on n’aurait pas changer l’eau.
Lever les yeux vers un balcon
fleuri de rouille aux antiques persiennes..
Et là, dans ce presque silence, un violon invisible soupire"...
Venise coule un regard vers
l’Orient…
Bientôt Salomé et ses
variations orientales qui ont inspiré tant d’artistes !